Le nouveau Roland-Garros : une modernisation indispensable mais conflictuelle
Devant la concurrence inévitable des autres grands tournois du circuit professionnel et afin de répondre aux attentes du public, des joueurs et des médias, la FFT a décidé de rénover le stade Roland-Garros. A travers cette extension, la FFT compte moderniser ses infrastructures et proposer des capacités d’accueil plus importantes. Si cette rénovation est indispensable, elle met cependant du temps à se mettre en place, du fait de nombreux blocages. Or, la modernisation du complexe de Roland-Garros devient urgente compte tenu des intérêts en jeu. Explications.
Le choix du qualitatif sur le quantitatif
Devant la nécessité de moderniser les infrastructures et de répondre aux nouveaux enjeux liés notamment à l’attractivité du tournoi, la FFT devait tout d’abord faire un choix sur l’emplacement du nouveau Roland-Garros. Outre son maintien Porte d’Auteuil, d’autres options étaient envisagées : Gonesse, Marne-la-Vallée et Versailles. Ces sites avaient comme avantage de proposer une superficie bien plus grande que sur le site actuel. Ces projets semblaient également plus ambitieux, notamment d’un point de vue financier.
La FFT a depuis mis fin au suspense puisqu’elle a voté en 2011 le maintien du site aux abords du Bois de Boulogne. Les raisons étaient d’abord financières, le coût nécessaire au nouveau projet étant ici bien moindre qu’une délocalisation du site. L’autre raison avancée tient d’une volonté de garder le cachet historique de Roland-Garros, implanté à Porte d’Auteuil depuis 1928. L’importance de l’événement, en tant que membre des quatre plus grands tournois du circuit, ajoute à cette dimension historique. C’est ici que certaines des plus grandes pages de l’histoire de ce sport ont été écrites.
Enfin, à la différence par exemple de l’US Open et de l’Open d’Australie, tous deux disputés sur dur, Roland-Garros se joue sur terre-battue, une surface exigeante et si particulière. Bref, Roland-Garros doit rester Roland-Garros et cette idée chez de nombreux acteurs influents du tennis français a eu raison d’une délocalisation sur un autre site.
Si l’on peut comprendre la volonté des instances dirigeantes du tennis français de vouloir maintenir cette dimension historique, on est cependant en droit de s’interroger sur la pérennité du projet une fois mis en œuvre, compte tenu notamment de la concurrence exercée – même indirectement – par les autres tournois du Grand Chelem. Ces autres tournois bénéficient d’investissements massifs pour moderniser toujours un peu plus leurs infrastructures et proposer des capacités d’accueil autrement plus importantes qu’à Roland Garros. Par ailleurs, les dotations financières des tournois du Grand-Chelem augmentent chaque année un peu plus et Roland-Garros fait une nouvelle fois ici figure de petit poucet. En faisant le choix de rester à Paris, la FFT fait un pari compréhensible mais néanmoins risqué devant l’évolution inéluctable de notre sport.
Les évolutions annoncées du projet d’extension
Au chapitre des évolutions annoncées du site, voici les données importantes à retenir de ce vaste chantier dont le début est programmé, après de nombreux reports, pour la fin de l’année 2015 :
- Le court Philippe Chatrier sera rénové. Il pourra accueillir 15000 personnes et bénéficiera d’un toit rétractable permettant de répondre aux éventuelles intempéries et de proposer des sessions de nuit. La hauteur du court passera de 18 à 31 mètres, lequel sera également plus confortable pour le public. Cette modernisation générale bénéficiera par ailleurs aux autres acteurs du tournoi parisien (joueurs, partenaires, médias), qui se verront proposer des espaces dédiés.
- Un nouveau stade d’une capacité de 4950 places sera construit, remplaçant ainsi l’actuel court numéro 1 et ses 3500 sièges.
- Cinq à huit nouveaux courts « annexes » seront construits à l’ouest de Roland-Garros, dont un d’une capacité de 2000 places. La construction de ces nouveaux courts portera ainsi à 35 le nombre de terrains compétition et entraînement confondus sur le site de Roland Garros
- La place des Mousquetaire sera agrandie, grâce notamment à la destruction de l’actuel court numéro 1. Un écran géant sera installé pour permettre au public de suivre les matchs en direct.
- Un bâtiment dédié à l’organisation du tournoi sera également érigé. Il bénéficiera d’une terrasse et d’un espace de relations publiques.
Un projet coûteux, en grande partie financé par la FFT
La FFT elle-même se porte garante d’une grande partie des fonds nécessaires à la construction du nouveau Roland-Garros. Ainsi, sur les 273 millions d’euros nécessaires, 233 seront financés par la FFT, ce qui représente 88% du coût total du projet. Les 40 millions restants devraient être financés à l’aide de subventions publiques dont la mairie de Paris.
Les raisons d’un retard annoncé
L’un des principaux problèmes de cette extension et de cette modernisation concerne, notamment aux yeux des défenseurs de l’environnement et de certains riverains, les jardins des serres d’Auteuil alors susceptibles d’être réaménagés. Il s’agit là d’un site protégé du bois de Boulogne, classé comme espace vert et monument historique.
Les opposants au projet ont exercé de nombreux recours auprès du tribunal administratif, lequel s’était prononcé en février 2013 sur la légalité du projet et en particulier de la convention entre la ville de Paris et la FFT. Cette convention avait été jugé illégale ” aux motifs que l’information des conseillers de Paris lors du vote de la délibération n’avait pas été suffisante et que le taux de redevance versé à la Ville de Paris en application de la convention était manifestement trop faible au regard des avantages de toute nature “. La décision du tribunal administratif avait par la suite été confirmé par la Cour administrative d’appel au mois d’octobre de la même année. Cependant, la question épineuse des serres d’Auteuil avait été résolue à la faveur des promoteurs du projet, la Cour administrative d’appel jugeant que l’extension du site de Roland-Garros ne portait pas atteinte aux serres du jardin d’Auteuil.
Le 6 février 2014, le tribunal administratif de Paris a de nouveau dû se prononcer sur des recours à l’encontre du projet, portant sur plusieurs éléments clés du projet. En rejetant ces recours, le tribunal a donné un petit coup de boost au projet qui doit cependant franchir de nouvelles étapes afin d’être concrétisé : une enquête commanditée par la Mairie de Paris durant l’été 2014 doit déboucher sur un rapport, lequel, s’il est favorable, devra ensuite faire l’objet d’une validation par la Ministre de l’Ecologie. Ce n’est qu’après cela que les permis de construire pourront être délivrés et que le chantier pourra débuter.
Aujourd’hui, toute la question est de savoir si Ségolène Royale sera favorable au projet. L’avancée du projet dépend également de l’existence d’éventuels nouveaux recours qu’il ne faut pas exclure, bien au contraire. Le projet d’extension de Roland-Garros reste donc un vaste et ambitieux chantier, naturellement source de conflits entre des acteurs aux intérêts différents.
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[…] Le projet est décrit en détail au sein d’un précédent article : Le nouveau Roland-Garros :… […]